Le texte a subi quelques modifications pour prendre en compte les avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Conseil national de l'industrie (CNI). Pas assez au goût du Réseau action climat (RAC France) qui note "quelques avancées à la marge" mais regrette que les avis du CNTE et du CESE n'aient pas été davantage pris en compte.
Le titre du projet de loi a également été modifié, passant d'"un nouveau modèle énergétique français" à "la transition énergétique pour la croissance verte". Cette modification sémantique traduit l'état d'esprit que veut impulser la ministre de l'Ecologie. Cette "loi de solutions et d'action" sera un "levier majeur de sortie de la crise", a martelé la ministre de l'Ecologie.
Le projet de loi fixe "un cadre juridique stable pour que les entreprises puissent investir, innover, conquérir des marchés", estime la ministre qui hier, réunissait les industriels des renouvelables pour leur annoncer un nouveau train de mesures. Ségolène Royal mise également sur l'adoption des plans de lanouvelle France industrielle pour accompagner la transition énergétique. Selon elle, d'ici 2017, la transition énergétique peut générer 100.000 emplois nouveaux. Ségolène Royal s'est d'ores et déjà engagée à faire un bilan tous les six mois de l'application de la loi lorsqu'elle aura été adoptée.
Le son de cloche est différent du côté de l'UDI : "Ce petit texte législatif se contente d'afficher des objectifs d'autant plus ambitieux qu'ils sont lointains et jamais étayés par la déclinaison des moyens à mettre en œuvre", juge le député Bertrand Pancher (Meuse).
"Le nucléaire reste le socle énergétique de notre pays"
Le projet de loi fixe les objectifs de la politique énergétique française à horizon 2030 et 2050. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de 40% entre 1990 et 2030. A la suite des nombreuses demandes (du Cese, du CNTE…), l'atteinte du facteur 4 (division par quatre des émissions) en 2050, engagement de la France à l'international, a également été inscrit dans le texte.
L'objectif est également de réduire la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012. Alors que de nombreux acteurs demandaient la définition d'une cible intermédiaire à 2030, le texte fixe désormais l'objectif de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2,5% d'ici à 2030 (contre 1% aujourd'hui), un objectif "déjà présent dans la loi POPE de 2005", regrette le RAC France. La consommation énergétique finale d'énergies fossiles devra quant à elle être réduite de 30% entre 2012 et 2030.
La part des énergies renouvelables devra atteindre 23% de la consommation finale brute en 2020, conformément aux engagements européens, et 32% en 2030. Le cinquième objectif inscrit, dans le projet de loi, l'engagement du Président de la République de faire passer la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50% en 2025. "Le nucléaire reste le socle énergétique de notre pays mais sa part va diminuer grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables", a expliqué la ministre de l'Ecologie. Les énergies renouvelables électriques doivent atteindre 40% de la production en 2030.
Le projet de loi plafonne également la capacité nucléaire installée à son niveau actuel, 63,2 GW. Alors que le Cese, le CNTE et d'autres acteurs avaient souligné le risque d'inconstitutionnalité de cette mesure, Ségolène Royal a indiqué que le Conseil d'Etat l'avait validé : "Il revient à l'Etat de définir la part de chaque énergie dans le mix énergétique", a-t-elle expliqué.
Ces objectifs seront traduits par deux outils de pilotage de la politique énergétique : une stratégie bas carbone (qui fixera des budgets carbone) et une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), couvrant tous deux les périodes 2015-2018, 2018-2023, 2023-2028…
Les ONG attendent que les débats parlementaires complètent le texte
Quant aux chapitres détaillant les objectifs et mesures secteur par secteur, ils ont été légèrement enrichis pour prendre en compte les remarques des uns et des autres.
Ainsi, si le volet transport donne toujours "une impulsion très forte" aux véhicules électriques (bonus de 10.000 euros, objectif de sept millions de points de recharge en 2030…), l'objectif pour l'Etat et ses établissements publics de renouveler leur flotte automobile avec 50% de véhicules électriques a été élargi à tous les véhicules propres ayant un très faible niveau d'émission de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Le gouvernement "persiste à négliger des aspects fondamentaux de la mobilité comme la lutte contre l'étalement urbain, la réorientation des infrastructures de transports vers des modes moins polluants ou encore la baisse des limites de vitesse", regrette le RAC France.
La Fondation Nicolas Hulot compte sur les débats parlementaires pour compléter le texte : "Il faudra tenir compte notamment des propositions de la Fondation, reprises dans les avis du CNTE et du Cese" pour renforcer les mesures de lutte contre la précarité énergétique, renforcer le volet économie circulaire et définir la gouvernance à l'échelle des territoires.
Le CLER et le RAC France "sortiront en septembre un « transitiomètre » qui mesurera la capacité du projet de loi à atteindre les engagements pris par la France dans le domaine du climat et de l'énergie". Il permettra également d'évaluer les évolutions du texte au fil des débats parlementaires.
10 milliards d'euros sur trois ans pour financer la transition ?
Côté financements, la ministre lançait fin juin une conférence bancaire et financière afin de mobiliser 10 milliards d'euros sur trois ans en faveur de la transition énergétique. Celle-ci a confirmé que la Caisse des dépôts (CDC) serait dotée d'un fonds Transition énergétique et croissance verte de 5 Md€. Les collectivités pourront bénéficier, pour les projets de transport collectif, de fret et de production d'énergie renouvelable par les collectivités, d'un prêt à 1,75% octroyé par la CDC. Ces prêts pourront également accompagner la construction de bâtiments à énergie positive et la rénovation énergétique. Ils seront remboursables sur un délai de vingt à quarante ans.
Un nouveau fonds de 1,5 Md€ permettra de soutenir les projets retenus dans le cadre de l'appel à projets Villes et territoires zéro gaspillage, zéro déchets et Territoires à énergie positive.
Pour les travaux de rénovation, la mise en place d'un fonds de garantie devrait permettre aux banques d'accorder des prêts moins coûteux. L'éco-conditionnalité des aides devrait augmenter de 30.000 à 100.000 le nombre d'éco-PTZ accordés chaque année. Les PME pourront avoir recours à des "green bonds" de longue durée (vingt à trente ans).
En revanche, sur le tiers-financement, très attendu, la ministre s'est seulement engagée à accélérer sa finalisation. L'utilisation des fondes des livrés A et Développement durable, qui ne sont pas centraliss à la CDC, feront "l'objet d'un suivi renforcé".
Pour le WWF, ces financements paraissent insuffisants au vu des enjeux. "A titre indicatif, l'Ademe avait chiffré les besoins nécessaires de financement annuels de 10 à 30 milliards d'euros supplémentaires".
Source : Actu Environnement – Madame Sophie FABREGAT